Le Kerala, ses immenses étendues de plantation de thé et la générosité de notre cher Mano...
- Ronan
- 14 mai 2017
- 12 min de lecture

Ce matin, nous nous levons tranquillement à huit heures. Ah bah c'était pas du tout prévu cette grass' matinée ! Petit problème de réveil, ça arrive même aux meilleurs. Foutu pour foutu, nous filons prendre un petit-déjeuner dans notre cantine Lucky Star, puis partons nous renseigner pour être certains de nous rendre au bon endroit avec tout notre attirail sur le dos. On fait bien de se renseigner car l'unique bus qui part de Fort Kochi pour Munnar part à 7h du matin. Bon, pas de regret, celui-ci on ne pourra définitivement pas l'avoir ! En revanche, d'Ernakulam, nous sommes dans les temps car il y en a un toutes les heures (ou pas loin). Nous rentrons donc dans notre auberge, puis filons sac au dos, bien décidés à faire nos deux kilomètres qui nous séparent de l'embarcadère, à pied. Mais, on le sait tous, les bonnes résolutions ne durent jamais très longtemps. Surtout quand on se promène avec plus de vingt kilos sur le dos alors qu'il est 9h30 et que la température est déjà de 38 degrés... Notre ami rickshaw nous proposera même le bon prix du premier coup, alors on se laisse très volontiers emmener.
Depuis le traversier, alors même que nous naviguons dans un port, quelques dauphins se sont réunis pour nous offrir un spectacle matinal très agréable. Arrivés à Ernakulam, nous marchons une vingtaine de minutes jusqu'au terminal de bus où nous embarquons rapidement dans un bus de voyage qui ne ressemble pas du tout à ce qu'on nous avait décrit à moins que par "air conditionné", ils aient voulu dire "ventilation par fenêtres grandes ouvertes, car pas de fenêtre de toute façon". C'est logique quand on y pense ! Le temps de nous prendre le chou avec le camarade du chauffeur qui veut absolument que l'on mette nos bagages ailleurs que dans l'espace réservé à cet effet et qui nous oblige à nous déplacer de nos sièges, mettant mon ptit roro tout seul et moi un peu plus loin sur une banquette réservée aux femmes. C'est pas grave, cela me permettra de faire plus ample connaissance avec mes copines de banquette.


Mais au fait, il y a quoi à faire à Munnar ?! Cette ville située dans l'est du Kerala est un peu le Darjeeling du sud. Oui, oui, vous avez bien lu, il y a des plantations de thé dans le sud de l'Inde. Comme notre dernière balade dans les plantations de thé remonte à la Malaisie, il y a 7 ans, on a hâte de pouvoir de nouveau gambader dans des paysages similaires.
Le trajet entre Ernakulam et Munnar est très joli. À peine sortis de la ville et nous apercevons déjà la végétation : bananiers, palmiers, cocotiers et autres arbres exotiques longent la route, nous offrant un bon bol d'oxygène rien qu'en les regardant, c'est dire ! Plus nous nous approchons de Munnar et plus l'air se rafraîchit. Les premiers frissons depuis plus d'un mois ! Il fait 30 degrés, on a plus l'habitude d'avoir des températures aussi basses ! Après avoir fait quelques haltes dans différents petits villages, nous arrivons dans la zone de Munnar et apercevons nos premières plantations de thé. C'est splendide. Elles sont d'un vert foncé magnifique, parfois habillées de quelques fleurs, avec quelques rochers qui percent ça et là les belles plantations. Que c'est beau. Une nouvelle fois, l'Inde nous offre un nouveau visage ! Quelle diversité de paysages.




Il est 17h et nous arrivons à Munnar. Terminus, tout le monde descend et tout le monde monte en même temps. Euh, on aimerait bien descendre mais on ne peut pas monsieur le chauffeur ! Quand il s'agit de laisser les gens sortir des moyens de transport, il n'y a plus personnes aux commandes des cerveaux de nos amis Indiens. Ils se ruent littéralement dans le bus (ou le train) comme si leur vie en dépendait. Nous sommes donc coincés dans notre bus, essayant tant bien que mal de sortir, marchant sur les gens et donnant des coups sans le vouloir avec nos gros sacs sur le dos. Mais bon, ça les fait rire visiblement... Quand nous arrivons enfin à sortir du bus, nous sommes face à un soucis qui a son importance : le sac de roro - que le camarade du bus avait fait bouger à l'arrière - est encore dans le bus qui est lui-même sur le point de partir ! Pas bonne idée d'allumer le moteur monsieur, ne partez pas tout de suite !
Tout est bien qui finit bien, notre sac sera jeté par l'une des fenêtres du bus. Ouf. Le temps ensuite d'errer dans la ville, de trouver un hôtel miteux où les draps sont tous sauf réjouissants, de filer nous régaler au Raspy restaurant, puis nous nous promènerons dans Munnar, achèterons un peu de chocolat maison - ce n'est pas la région du thé uniquement, c'est aussi une région à épices et à chocolat... - serons heureux face aux couleurs du coucher de soleil caressant les montagnes en face de nous et encore plus heureux face à la belle leçon de vie que nous donnent les indiens une fois de plus : Église, Mosquée et Temple Hindouiste se trouvent tous les trois dans un périmètre de quelques centaines de mètres, vivant en parfaite harmonie. Ici, la religion n'est pas une barrière et tous se côtoient sans problème. Bien sûr, cela n'a pas toujours été rose mais aujourd'hui, ils ont l'air de plutôt bien s'entendre !
Nous dégustons ensuite un excellent chaï et nous rentrons ensuite à l'hôtel où nos voisins de palier ont décidé de faire la fête. Le réceptionniste nous interdit d'aller les voir si jamais ils devaient faire trop de bruit car il n'y a pas de vidéo surveillance à notre étage. Il avait peur pour nous apparemment. C'est donc lui qui se chargera d'aller leur casser les dents en cas de récidives (non parce qu'après deux heures de brouhahatempestif on est allé le voir : les portes grandes ouvertes et les discussions de couloir à l'indienne - ils ne chuchotent pas ici, c'est contre nature le silence - c'était plus possible).
Après une nuit fabuleuse et un réveil en fanfare avec les ptits voisins du dessus qui ont décidé de gambader partout dans leur chambre à partir de 6h30, nous finissons par nous lever difficilement en croisant les doigts pour que le temps soit de la partie. Et il l'est ! Parfait, nous allons pouvoir profiter d'une journée moto dans la région. Le temps de prendre un bon petit déjeuner et d'enfourcher notre moto (après une attente d'une heure, c'était compliqué visiblement) et nous voici enfin sur les routes. Avec beaucoup de prudence car ils roulent vraiment n'importe comment ici. C'est même pire qu'au Vietnam. En fait, on se demande vraiment s'ils ont débranché leur cerveau une fois passés derrière le volant tant ils sont bêtes ! On dirait que leur objectif est de doubler dans les virages les plus improbables et surtout pas en ligne droite car c'est beaucoup trop simple, il n'y a aucun challenge, aucun palpitant c'est vraiment pas fun ! Bref. Il faudra beaucoup de patience à mon ptit cul pour ne pas perdre son sang froid avant la fin de la journée... Mais les paysages qui s'offriront à nous seront si beaux que nous oublierons bien vite la folie routière de nos amis. Imaginez des plantations de thé aux différentes nuances de vert à perte de vue, façonnées de manière si artistique, si délicate qu'on en a la larme à l'œil. Quatre heures durant, nous roulons au travers des plantations de thé, passant par le lac de Mattupetty plein de vie et le charmant petit village de Yellapetty.






Nous arrivons finalement à Top Station, le village que nous cherchions. Après avoir fait très rapidement le tour et admiré la magnifique vue sur les montagnes, nous trouvons la maison de Mano, celui pour qui nous avons décidé de venir jusqu'ici. Nous sommes accueillis par sa femme et ses deux filles qui nous offrent le thé pour que l'on puisse profiter pleinement de la séance photo qui s'annonce. Oui, il en a vu des touristes Mano et des tigres et des éléphants. Bon, quand on voit les photos on se dit qu'on a très peu de chances d'apercevoir un tigre dans les parages. Mais on est pas là pour ça ! On se donne rendez-vous demain matin pour un trekking dans les plantations de thé. Pour l'heure nous rentrons comme nous sommes venus : en moto.
Le lendemain matin, nous nous levons tôt pour attraper le seul bus de la journée partant en direction de Top Station. Il a un peu de retard mais il arrive tout de même. Morphée nous permettra de ne pas voir passer le trajet. Nous arrivons pour le petit déjeuner qui nous est servi par la Soeur de Mano qui tient l'une des deux échoppes du village. Ensuite, chaussures aux pieds, nous partons à la découverte des plantations. Mano nous raconte ses querelles avec les différents managers, sa réticence aussi à avoir des touristes indiens qui sont, nous dit-il, bruyants et irrespectueux de l'environnement. C'est d'ailleurs à cause d'eux que certains managers ne voulaient plus le laisser passer dans ces plantations auxquelles il a pourtant contribué étant jeune, ainsi que ses parents et ses grands-parents avant lui ! Il a lutté, et continue encore aujourd'hui, pour pouvoir exercer son métier et accompagner les touristes sur les terres de ses ancêtres du fait de la mauvaise foi de certains.




La jalousie y est sans doute pour quelque chose. Tous le pensent riche étant donné qu'il travaille beaucoup avec des "blancs". Alors,ils tentent comme ils peuvent de lui mettre des bâtons dans les roues. Mano a une force de caractère incroyable et est un personnage vraiment adorable, généreux et compréhensif aussi. Nous ferons quelques haltes pendant notre promenade pour déguster quelques "chaïs" et autres spécialités culinaires à Paratorto, nous apercevrons des chiens sauvages qui ressemblent en tous points à des renards, nous nous cacherons dans les plantations à l'approche d'une moto (c'était un manager n'aimant pas vraiment Mano), nous ferons la rencontre d'un vieil ami de Mano qui possède une maison incroyablement belle et un jardin très fleuri.



Le monsieur parle un anglais impeccable et est bien plus au courant que nous sur l'actualité : "bientôt Roland Garros", nous lance-t-il ! Déjà ??! On ne voit pas le temps passer...
Nous marchons cinq heures peut-être avant d'arriver à Sandiyar, le village de la femme de Mano. C'est un des voisins qui nous accueille dans la maison familiale. Une maison sans prétention avec deux pièces. Dans l'une trône un lit et une télévision (incroyable mais vrai), dans l'autre une autre paillasse recouverte de dizaines de couvertures en laine.




Dans la cours, le voisin est en pleine découpe d'une chèvre fraîchement tuée que nous dégusterons ce soir. Joie. C'est un événement bien sûr car ils ne mangent pas de la viande tous les jours. Mais ils ont des invités alors ils souhaitent nous gâter ! En attendant le repas de ce soir, nous mangeons un peu de riz à la mode indienne (avec les doigts) et partons à la découverte des alentours avec Mano. Nous croisons son beau-frère qui nous offre des fruits de la passion tout juste cueillis dans un arbre de son jardin, puis resterons quelques minutes à regarder la nature environnante ainsi que le petit village devenu grand - 30 maisons aujourd'hui contre 10 il y a quelques années seulement. Il faut dire que la famille s'agrandit de jour en jour nous dit Mano.
Après ce moment de détente, nous repartons chez la belle-sœur de Mano où nous sommes invités à nous installer dans le lit... pour regarder la télé !!! Un An qu'ils ont la télé ici, ils sont à fond ! Pour leur faire plaisir nous restons regarder un de leurs feuilletons. Puis, il est de nouveau l'heure de manger. Ils installent des paillasses au sol, déposent des feuilles de bananiers qui nous servirons d'assiette et nous proposent différents mets dont les viscères de la chèvre que je refuse gentiment. Beaucoup trop fort pour moi cette histoire. Mon ptit cul en revanche se régale bien que ce soit fort épicé ! Autant vous dire que nos doigts sentirons bons cette nuit ! Nous n'avons pas emmené notre savon et réalisons un peu tard que nous passerons en fait la nuit ici. Mon ptit cul est en panique totale : toutes ses photos sont restées chez Mano. Si quelqu'un devait s'introduire chez lui, nous pourrions dire au revoir à toutes nos photos d'Asie.
Une fois le repas terminé, la fille de Mano passe le balais sur le sol-table-lit. Ah bah oui, c'est multi-usages les paillasses ici ! Le temps d'installer quelques couvertures au sol et le lit familial est prêt. Nous sommes gênés car ils nous laissent le seul lit de la maison alors qu'eux, y compris la grand-mère, dorment par terre. Certes le lit est une planche en bois mais tout de même... on aura beau demander à la mamie de prendre notre place, elle ne bougera pas du sol. Bon. Nous dormirons tous ensemble, dans la même pièce, à l'indienne.


Le lendemain, Mano nous emmène dans un village non loin de Top Station. C'est sa famille qui habite ici. Lorsque nous arrivons en tuktuk, conduit par son beau-frère, la fête bat son plein. C'est en réalité une pré-fête de mariage ! Nous sommes accueillis comme des princes ! Tout le monde souhaite prendre des photos avec nous. Cela doit porter bonheur d'avoir des étrangers la veille de son mariage ! On nous offre à manger - c'est excellent - puis un "chaï". Dans chaque regard que nous croisons, nous pouvons lire tant de bienveillance à notre égard.




Ces indiens nous surprendront toujours par leur générosité. Ils sont heureux et nous aussi de pouvoir partager un cours moment de vie ensemble. Un moment qui restera gravé dans notre mémoire à jamais.
Mano nous abandonne une heure durant pour gérer des affaires avec son beau-frère nous dit-il. C'était pour prendre l'apéro vu sa joie de vivre en revenant ! On rigole bien sur le chemin du retour même si, il faut le reconnaître, on est contents d'arriver sains et saufs. C'était pourtant pas gagné ! Cet après-midi là, je me mettrais à la mode indienne : le saari. Il faudra pas moins de deux femmes pour m'habiller. Ente nous, c'est vraiment pas simple à mettre !!!


Après quoi, nous jouerons avec notre petit voisin qui nous cueillera absolument toutes les fleurs et les fruits du jardin pour nous les offrir.



Puis, c'est l'heure du diner, au feu de bois, toujours. Mais avant, nous partons en voiture pour chercher quelques ingrédients. Il paraît qu'un éléphant sauvage est en chemin, qui sait, nous aurons peut-être la chance d'en voir un... mais faute d'éléphant, nous verrons une vache sauvage. C'est biens aussi ! La repas sera excellent une fois encore, tout comme la nuit étoilée qui s'offre à nous ce soir.

Le lendemain, nous réalisons que le vieux monsieur que l'on voit depuis trois jours à l'échoppe de la soeur de Mano, avec qui nous avons tissé des liens (malgré le fait qu'il ne parle pas anglais) est en fait son papa.
Étrange qu'il ne nous ait rien dit. Un sacré personnage aussi qui ne demande qu'à échanger. Il est âgé d'au moins 90 ans et a une forme d'enfer ! Il aperçoit même des singes dans un arbre situé à quelques centaines de mètres de là, et sans lunettes de vue s'il vous plaît ! Même nous on ne peut pas en faire autant. Hum !



Après trois jours passés en compagnie de Mano et sa famille, à découvrir les plantations de thé, à observer les femmes découper sans relâche des kilos et des kilos de feuilles de thé, à boire des litres de "chaï", à apprendre à manger avec les doigts, à découvrir la vraie vie locale, à se prendre une fois de plus une claque devant tant d'humilité et de générosité, nous repartons déjà, laissant derrière nous une famille adorable, un Mano pas comme les autres, avec un cœur gros comme ça et une façon bien à lui de parler qui le rendra tellement attendrissant qui donne quelque chose comme : "Manoooo, my trekking, my looking, my sleeping, my eating".





On se souviendra aussi de ses histoires avec les managers, avec sa famille, ses amis, avec les touristes aussi venus lui rendre visite. Il nous en aura appris des choses sur les coutumes indiennes. Il partagera tant avec nous que nous aurons vraiment la sensation d'avoir fait partie de sa famille. Qu'il est difficile de partir de ce coin de paradis. Mais l'Inde a d'autres joyaux à nous offrir. Le premier serait situé à Madurai, prochaine étape de notre périple indien. Au revoir Mano et merci !
PRATIQUE
Côté transport
Ernakulam -Munnar : bus. Tarif : 100RS par personne. Temps de trajet : 5 heures.
Munnar - Top Station : moto (500RS la location), en bus (35 RS par personne) ou en jeep (prix inconnu mais quelque chose comme 100 RS par personne). Temps de trajet : 1h30. Distance : 33km. Heure de départ : 7h30.
Côté pratique
Pour louer une moto : se rendre à Shalom feather touch, on y loue des motos pour 500RS la journée. Coordonnées : +91 9495216798 / shalomrajamnr@gmail.com
Que faire à Munnar
Se promener autour de la ville (Munnar en elle même n'a pas grand intérêt pour le coup) et se perdre dans les plantations de thé qui sont LA raison de votre présence ici... Attention, certains Managers de plantations ne seront pas très heureux de vous voir gambader parmi leurs récoltes. Nous n'avons eu aucun problème mais avons compris après nos randonnées que nous aurions pu nous quereller avec certains.
Côté restaurant
Raspy restaurant : on y mange vraiment très bien à des prix indiens. Tout est bon et croyez nous, on a testé une bonne partie de la carte...
Côté hébergement
Silver star : hôtel pas dingue mais le personnel était sympa. Tarif : 600RS pour une chambre double
Chez Mano : 500 RS la nuit et repas compris pour deux personnes. Possibilité de faire des treks avec Mano dans les plantations de thé et, pourquoi pas, d'apercevoir des animaux sauvages (éléphants, chiens sauvages, et tigre. Bon, celui-ci, c'était il y a quelques années... on ne sait pas s'il y en a encore !)
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