Rendez-vous en Terre Ixil
- Ronan
- 28 nov. 2016
- 12 min de lecture


Santa Cruz del Quiche, bon, on ne va pas s'attarder, mais quelques mots tout de même pour dire que le quartier du terminal, bah il est pas fou (comme tous les quartiers autour des terminaux en même temps), que le marché avait l'air drôlement bien (et bien moins rempli de touristes que sa voisine Chichi située à 10 km d'ici) mais on est arrivé un peu tard pour tout voir, que les tacos sur la place du marché sont plutôt pas mal et vraiment pas chers... Et que l'hôtel que nous choisissons ne sera pas le mieux, mais pas le pire non plus et surtout le moins cher du quartier !
Ce terminal ne s'arrête jamais. Toute la nuit nous entendrons Klaxons et Klaxons. À croire qu'ils adorent faire tut tut en permanence ! En fait, ils adorent le bruit tout simplement. On reviendra à ce constat plus tard, quand on vous parlera du marché.


Nous embarquons dans le premier bus partant pour Nebaj. 2h30 d'un trajet chaotique avec nos sacs à
dos sur les genoux, à nous accrocher à chaque virage, priant pour que les plaquettes de freins ne lâchent pas ! Nous avons été entendu, on est arrivé sains et saufs à Nebaj.
L'ambiance ici est totalement différente de tout ce que nous avons pu voir jusqu'ici : toutes les femmes sans exception - de 1 mois à 100 ans voire plus - portent l'habit traditionnel. Cela apporte à la ville un cachet vraiment particulier.



Nous traversons le marché à la recherche d'un hostal pour la nuit que nous trouverons après quelques essais infructueux (certains proposent des prix vraiment exhorbitants !). La douche est d'ailleurs comme toutes les douches du Guatemala, une activité à haut risque...


Aaaah, ce marché ! Le christianisme est très présent au Guatemala, on ne vous l'a pas beaucoup dit, mais des mots d'amour pour Dieu et son enfant Jésus décorent une grande partie des murs dans la majeure partie des villes que nous avons visitées ici. Et comme tout pays croyant, Noël est une fête sacrée ! Bon, c'est pas tout à fait la même magie de Noël que chez nous : certains commerçants proposent en réalité des concerts cacophoniques de tous les objets de Noël qu'ils ont leur possession. Ils se disent que le mieux, c'est de mettre toutes les guirlandes en marche et d'allumer tout ce qui fait de la musique (ou un son) en même temps, histoire de faire le plus de bruit possible, pour attirer le chaland. Enfin, on imagine que c'est ce qu'ils se disent parce que sinon, on ne voit pas... C'est un martyr pour les oreilles en fait, mais un plaisir pour les yeux !
Après avoir erré dans les rues, nous avons rendu visite à ce qui semble être la seule agence de la ville, située près de l'hostal El descanso. Oui, car on est pas venu là pour faire le tour du marché, on est venu là pour aller à la rencontre d'une famille maya, une famille qui aura su garder ses traditions. Un guide est indispensable, pour cause, les familles dans le triangle d'Ixil ne parlent pas espagnol mais Ixil. Pas besoin d'être célèbres pour vivre un "Rendez-vous en terre inconnue", non mais ! Bon, en revanche, le prix est quand même pas vraiment dans notre budget - bah ouais on a pas tout à fait le même portefeuille que les célébrités en vrai ! On va réfléchir un peu, hein !
Coïncidence ou non, nous nous faisons aborder quelques heures plus tard, par un homme dans la rue qui est justement guide. Mouais, mais je ne le sens pas, il y a quelque chose dans son regard qui me fait douter. Et puis, pourquoi nous (bon ok on était les seuls touristes. Mais n'empêche, pourquoi nous ??). Mon ptit cul a confiance, faut dire que c'est quand même deux fois moins cher aussi... On retourne voir l'agence, des fois qu'ils aligneraient leurs prix. Mais non. Elle nous dit "ça peut être dangereux avec un guide comme le vôtre". Mais étrangement, on ne la trouve pas très convaincue par ses propos. Et puis, depuis le volcan d'Acatenango à Antigua, on est devenu sceptiques par rapport à ce genre de propos. Allez, je vais faire confiance à Roro, on part avec le dénommé Gaspard. Enfin, je veux bien partir avec lui, mais ça n'empêche, je n'ai pas confiance ! On le paiera en revenant, c'est ça ou rien. Deal accepté par notre futur guide. Bon, je commence à me détendre. Il ne va pas nous tuer pendant la randonnée - ni pendant la nuit - il attendra peut-être le retour à Nebaj. Nous réglons les derniers détails sur la place de l'église : déjeuner de demain compris, diner typique avec la famille, ne prenez rien en couchage... Mouais, pour ce détail, on préfère prévoir quand même, sait-on jamais ! Rendez-vous est donné demain à 6h30 sur la place.
Sur ce, nous filons manger quelques tacos car il se fait faim et partons faire nos sacs. Nous laisserons quelques affaires à l'hostal car après tout, nous ne partons que pour une nuit !
Le lendemain matin, Gaspard nous attend sur le parvis de l'église comme convenu. Déjà je le trouve étrange, il se tourne partout en cherchant quelqu'un du regard. "Tu cherches quelqu'un ?", lui demande-t-on ? "Non, non", nous répond-il. Tout à coup, un jeune homme sort des bosquets devant nous : un guide en apprentissage qui se joint à notre expédition. Enfin, nous l'apprendrons parce que nous poserons la question, car notre guide n'est pas très bavard. Il est bavard, mais pas en espagnol. Nos deux compagnons de route parlerons Ixil entre eux : le jeune homme ne parle pas très bien espagnol, mais bon, il va devoir s'y mette s'il souhaite devenir guide. Ah et il faut aussi qu'il arrête de jeter ses déchets dans la nature, de gaspiller une courgette de la taille d'une citrouille (après l'avoir volée dans un champ) en la laissant dévaler la pente pour aller s'écraser contre un arbre. Notre mini guide de 15 ans a encore du pain sur la planche comme on dit, mais il a le sourire c'est déjà très bien !
Passons, nous traversons donc la ville en passant par les quartiers défavorisés et arrivons à l'orée de la forêt où nous commençons notre ascension. Oh purée ! Fallait nous dire qu'on allait gravir trois montagnes aujourd'hui, on se serait préparé psychologiquement ! Non parce que la côte est quand même sacrément raide la bougresse ! Au loin, nous apercevons déjà la ville sous une épaisse couche de pollution. On sentait bien que l'air était saturé mais à ce point-là...

Nous croisons un premier "homme-machette" (c'est un peu un troisième bras pour les guatémaltèques la machette, ils en ont tous une en campagne) qui a une dent contre les Américains et Trump. L'ennui, c'est qu'il fait - ainsi que notre guide - un amalgame énorme nous reprochant d'avoir voté pour cet énergumène ! Alors, mon bon monsieur, nous sommes Français. "Et alors ?", nous répond-il, "vous avez voté pour Trump, non ?". Non, le Président des Etats-Unis n'est pas le Président du monde... N'étant pas citoyen des US, nous n'avons pas pu voter. On a préféré lui expliquer tout ça avant de finir en morceaux! Du coup, il s'est calmé et nous avons pu continuer notre chemin tranquillement. Ouf !
En route, nous en apprenons un peu plus sur l'histoire de la région. Dans les années 1980, la dictature a fait rage au Guatemala et les persécutions dans le triangle d'Ixil ont commencé. La guerre civile durera 5 ans. Cinq longues années durant lesquelles de nombreuses familles seront décimées, y compris celle de notre guide. De son clan, il ne reste que lui, nous raconte-t-il. Il avait douze ans. Vous vous rendez compte ?! Douze ans et il s'est échappé de son village laissant toute sa famille derrière lui. Morte assassinée par un gouvernement sans scrupule. Durant un an, il marchera dans les montagnes, évitant de se faire prendre, mangeant quand il pourra. Cela nous laisse sans voix. Que répondre à cela en même temps ?

Miguel (le jeune guide) est absolument fan du sac à dos de Roro et aimerait bien l'avoir... Bah oui, seulement c'est notre maison pendant un an, alors on ne peut pas vraiment te le donner. Il posera quelques minutes durant avec le sac de mon ptit cul sur le dos et même le chapeau de Roro (je crois qu'il a un fan). Puis, ce sera le tour de Gaspard de poser avec le sac. Car nos deux guides n'ont avec un qu'un tout petit sac à dos contenant quelques tortillas, un peu de riz et un pull. J'espère pour eux que la famille à ce qu'il faut pour le dodo sinon ils risquent de se cailler les fesses.



Après la séance photo, nous continuons notre chemin, traversons un premier village où tout le monde nous regarde avec de grands yeux. Ils ne voient pas énormément de touristes dans le coin, sauf quelques aventuriers de temps en temps (hein Morgan et Charlotte ?).

Dans les maisons qui jalonnent le chemin, les femmes tissent manuellement. Nous nous arrêtons pour observer l'une d'entre elles. Quelle dextérité ! Puis continuons notre chemin, rythmé dans les champs par des bruits secs de claquements de bois. Nous apprendrons plus tard quels étaient ces bruits... Patience !


Une deuxième montagne à grimper, puis à descendre, puis une troisième à monter : la pause déjeuner s'impose et à l'ombre car le soleil tape fort le coquin. Le déjeuner sera très très maigre. Heureusement que nous ne sommes pas de gros mangeurs ! Sans rire, le bout de poulet que nous avons est l'équivalent d'une toute toute petite bouchée. Heureusement, on a cinq tortillas ultra bourratives pour nous remplir l'estomac, et quelques tomates que nous proposons gentiment à nos deux guides qui s'empressent d'accepter et de nous dire que "ça fait tellement Américain de manger des tomates !". Nous on voit pas le rapport, tout le monde mange des tomates, même toi dans ta sauce tomate pas plus tard qu'il y a trois minutes... mais de rien pour les tomates ! Une mini sieste plus tard, nous repartons car il nous reste quelques heures de marche. Neuf en tout et pour tout. Pas mal quand même ! Surtout que, les montées cassent les mollets et les descentes les cuisses ! Ah ça, aller en Terre Ixil, ça se mérite ! Nous apercevons au loin le tout petit village de notre futur famille d'accueil.

Nous arrivons enfin à la maison d'Antonio et Maria. Ils sont à l'église pendant deux heures, du coup nous attendons en compagnie de leur fille âgée de 6 ans qui fait la conversation en Ixil. On ne comprend rien mais ça a l'air top ! Et on ne comprendra rien plus tard non plus. Et là, nous nous souvenons des belles promesses de notre guide "moi je ne suis pas comme les agences. Avec eux, vous allez partir avec un guide dans une famille, et il ne fera pas la conversation, il ne fera rien pour vous inclure dans la conversation d'ailleurs. Alors que moi, oui, car j'ai bien compris que ce que vous voulez, c'est partager !". Houhou ??! Gaspard ?? Où donc sont parties ces belles paroles !? Au feu sans aucun doute ! Ce n'est pas grave, les yeux parlent. Et puis, cela nous offre l'opportunité de reposer notre cerveau deux secondes et d'observer tout simplement.



En attendant que nos hôtes n'arrivent, Gaspard voulait absolument nous faire faire un sauna. Il n'a pas arrêté de nous en parler sur le chemin. On était déjà pas très emballés, mais en voyant le sauna on le sera encore moins. Je pense qu'il voulait nous tuer ou nous faire cuire pour nous manger ensuite. Le sauna est en fait une cabaña en bois et adobe, avec une toute petite entrée par laquelle on aperçoit un brasier immense à l'intérieur. Vous êtes d'accord, c'est louche de vouloir nous faire entrer là-dedans ?! La salle commune quant à elle est construite en bois pour les murs et en taule pour le toit. Un léger interstice entre les murs et le toit laisse passer de l'air. Interstice par lequel s'échappe la fumée du feu, feu situé au milieu de la pièce et servant de cuisinière. Maria s'affaire autour du foyer pour préparer le diner. Nous sommes installés autour, la regardant faire. Notre guide n'a même pas pris la peine de nous présenter, pour quoi faire ?! C'est vrai ça !! Heureusement, Antonio, le père de famille arrive. Il parle espagnol et donc nous présente à sa femme. MERCI ! Au menu du plat typique promis par notre guide ce soir : des pâtes. Hum. Très bonnes avec un accompagnement du coin sans doute, mais des pâtes quand même... Bon, heureusement, les tortillas viennent ajouter un peu de typique. D'autant qu'ils sont en train de les préparer sous notre nez. Allez pour nous incruster un peu à la fête, on se jette à l'eau et on s'y essaye. Ça les fera bien rigoler parce que la première ne sera pas une réussite !! La deuxième non plus, la troisième... Ah ça y est, on a chopé le coup de main ! Comme quoi, pas besoin de parler la langue, ce sont ces moments de partage que nous recherchons, ces moments où la barrière de la langue n'est pas un problème et où l'on se comprend en un regard, en un geste. Nous regrettons de ne pas rester plus longtemps, l'expérience aurait été vraiment enrichissante...


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Quoique mes yeux n'auraient peut-être pas survécu à cette expérience ! La fumée se fait de plus en plus opaque dans la salle, je pleure toute seule. Tu m'étonnes que la petite de 7 mois que Maria porte dans son dos ne s'arrête pas de pleurer, comme on la comprends ! Je sors de la pièce m'excusant mais ne pouvant plus ouvrir les yeux tant ils me piquent. Comme l'air frais me soulage ! Et ce ciel étoilé, quelle merveille ! Oui, car ici, il n'y a pas d'électricité, donc pas de pollution lumineuse. La bougie est de mise le soir ! Voyant notre désarroi face à la fumée, Antonio nous dit que nous pouvons dormir dans la chambre si on le souhaite. Ah oui, s'il te plait. Non parce que dormir sur un sol en terre (sol dans la salle), ça ne nous dérange pas d'habitude, mais normalement on a nos matelas ! Notre super guide nous a dit de ne rien prendre, rappelez-vous... Du coup, on accepte volontiers de dormir dans la chambre commune, dans un lit avec un matelas. Bon on a un peu peur des puces de lit quand même... Ah bah non, pas de matelas mais une planche en bois. Parfait, ça résout tous nos problèmes !
Nous restons auprès du feu à discuter avec le père de famille, à échanger sur leur mode de vie, le choix de rester ici à Xeo et non d'aller en ville. Possédant quelques hectares de plantations en tout genre, ils ont tout ce dont ils ont besoin pour se nourrir ici. Les seules denrées qu'ils achètent sont le sel, le sucre et la lessive. Gaspard nous demande à quelle heure nous souhaitons partir le lendemain et insiste pour prendre le bus (feignant le bougre), qui part à 6h du matin... Autant dire que c'est hors de question pour nous, nous souhaitons profiter un peu plus de la famille et d'un petit déjeuner en leur compagnie. Ce que nous ne disons pas, c'est que Gaspard change d'avis comme de chemise, dit "blanc" à Roro et "noir" à moi, bref, il est usant et commence à sérieusement nous courir sur le haricot. Il insiste vraiment pour le bus, mais nous tenons bon (initialement, il nous avait parlé d'un départ l'après-midi ! Faudrait savoir..) Demain matin, nous marchons pour rentrer, c'est tout ! Non mais ! Après une nuit fabuleuse (je rigole) bercée par les cris de la petite, les aller et venus de chacun aux toilettes et les coqs qui chantent depuis 3h du matin, nous nous levons, pressés par notre guide mal aimable car le jeune homme est prêt et nous attend pour nous montrer comment fonctionne la machine à tisser - en fait il n'était pas prêt du tout (on reste zen, on souffle et on reste poli surtout avec notre guide...). Passons.



La dextérité du jeune homme est impressionnante et ce bruit nous rappelle quelque chose... Ah oui, les champs, le bruit de bois dans les champs ! C'était donc cela ?! La machine en bois est une vraie merveille. Ils l'utilisent pour tisser les vêtements des femmes de la famille. En 10 minutes, il tissera quelques 20 centimètres de la jupe ! Impressionnant !
Après cette démonstration, nous partageons un petit déjeuner autour du feu, puis repartons déjà car notre guide trépigne sur sa chaise ! En route mauvaise troupe. Nous remercions chaleureusement la famille de nous avoir reçu et redescendons à travers champs. La montée ensuite sera terrible et aura presque raison de mon ptit cul avec son gros sac sur le dos (pas souvent qu'il en ch** comme ça !).

On ne sait pas combien de mètres de dénivelés on aura fait en deux jours, mais un paquet sans doute, on va bien dormir ce soir ! Après deux heures de grimpette, nous redescendons vers un des village où notre guide voulait nous faire prendre un moto taxi pour aller plus vite à l'aller (!! Un fainéant on vous dit), d'ici, nous empruntons un colectivo qui nous ramènera en une heure à Nebaj.
En attendant le colectivo, notre guide nous parle argent et nous réclame plus que prévu initialement, prétextant qu'il a payé la famille ! Bah non, un deal est un deal, et on ne l'a pas vu payer la famille. Vous le voyez, notre confiance en lui est très limitée mais non sans certains fondements... Au final, on tiendra bon car "tout était compris" et notre ami Gaspard partira content tout de même.
Bilan de cette visite : très positif pour l'échange, nous aurions vraiment aimé rester plus longtemps avec cette famille qui était très accueillante et très souriante malgré le fait qu'on ne parle pas la même langue. Nous n'avons pas tous les jours l'opportunité de rencontrer des gens qui savent faire perdurer leur culture et qui ne se laissent pas polluer par les nouvelles technologies, restant fidèles à eux-mêmes, gardant les mêmes valeurs, c'est vraiment une belle leçon de vie. Notre guide par contre n'était vraiment pas à la hauteur et c'est dommage. La prochaine fois, on fera appel à Frédéric Lopez !


Côté transport Chichi - Santa Cruz del Quiche : tarif : 6Q. Temps de trajet : 1h Santa Cruz del Quiche - Nebaj : tarif : 20Q. Temps de trajet : 2h30 Côté hébergement Santa Cruz del Quiche : Hotel La Terminal. Tarif : 70Q pour deux deux par nuit. Nebaj : Posada San Genomo. Tarif : 80Q pour deux par nuit. El descanso. Tarif : 90Q par nuit Côté restaurant Santa Cruz del Quiche : les tacos du marché sont excellents Nebaj : les tacos sur la place principale pour 6Q sont très bons Premier comedor dans la calle en face de l'entrée principale de l'église
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